mardi 26 août 2014

Six erreurs à éviter si vous commencez une dépression

Ceci est un article originellement publié sur blog-psychologie.com par Hervé Petit et récupéré grâce à waybackmachine. Le site d'origine peut être consulté en archive à cette adresse: http://web.archive.org/web/20131229064213/http://www.blog-psychologie.com/six-erreurs-a-eviter-si-vous-commencez-une-depression/. J'ai décidé de repartager ce texte, ne sachant pas si le site internet restera hors ligne plus longtemps, pour qu'il continue à être utile.



Dans cet article je vous présente six erreurs fréquentes ayant pour effet d’entretenir une dépression débutante, et comment les éviter.


L’entrée dans la dépression se fait souvent de façon sournoise, avec par exemple une forte impression de fatigue ou de ralentissement, et quelques idées noires… Mais qui n’en a pas ? Aussi avec tout ce stress au bureau, ce client qui exige un engagement à 100% sur son projet de trottinette jetable, les voisins qui fond du boucan tous les soirs, le petit dernier qui a encore jeté un camembert à la figure du directeur d’école… Au début on pense avoir besoin de vacances. Et puis après lesdites vacances, on commence à s’interroger : et si…

Or, la dépression est une maladie qui a une fichue tendance à s’entretenir elle-même par plusieurs cercles vicieux. Quand ils s’enclenchent et se stabilisent dans le temps, il devient beaucoup plus difficile de lutter d’où l’intérêt de les repérer et de les bloquer au plus tôt.


ERREUR N°1 : ENCLENCHER LE CERCLE DE L’ISOLEMENT SOCIAL

C’est selon moi le plus puissant et le plus ennuyeux. La mauvaise qualité du cercle social est en effet un important facteur de risque de développer une dépression majeure [1].Voici un petit schéma pour vous expliquer très simplement comment cela fonctionne :

En premier lieu quand on a un petit coup de mou, la fatigue que l’on ressent fait ressentir la présence des autres comme plus difficile.On a la flemme de voir ses amis, pas envie de parler de tous ces problèmes qui nous trottent dans la tête, on préfère rester seul avec soi-même et donc on évite les autres de plus en plus (flèche 1), un peu comme dans la chanson de Bénabar.

Malheureusement l’homme est un être fondamentalement social et ce qui semble être une bonne idée se retourne contre nous assez vite puisque l’isolement social accroît la déprime et l’altération de la qualité de vie [2] (flèche 2).

En second lieu, les autres commencent à nous éviter, ce pour deux raisons. La première est que nous-mêmes nous les évitons (flèche 3) ! Et oui, c’est un peu tarte, mais quand on se met aux abonnés absents on est de moins en moins invité à dîner chez des amis. On fait faux bond une fois, deux fois, et finalement on ne nous rappelle pas. Ensuite, les autres nous évitent parce que notre contact les dépriment (flèche 4). C’est ce que les spécialistes appellent la “perte des habilités sociales”, formule signifiant que l’on devient tout bonnement gonflant. On a tendance à afficher une mine triste, on parle peu, quand on parle c’est souvent pour se plaindre ou pire : se dévaloriser (flèche 5)… et donc de moins en moins de monde a envie de nous voir. Les autres nous rejettent, ce qui entraîne donc la déprime (flèche 6), comme dans le cas de la flèche 2 sauf qu’ici l’origine est un rejet provenant d’autrui et non de nous.

En cela la dépression est l’épreuve du feu d’un cercle social.

Ainsi, par un double mécanisme la dépression conduit à un isolement social de plus en plus grand qui en retour aggrave la dépression, laquelle augmente l’isolement social, etc. Il est donc capital de ne pas enclencher ce cercle vicieux aux effets dévastateurs.


Comment agir ?

Privilégiez la qualité à la quantité de vos relations sociales. Il est impératif de conserver dans son entourage des rapports fréquents avec des personnes bien choisies qui sauront comprendre votre situation et éprouver de la compassion. En effet, la dépression rend très sensible à la tonalité des échanges. S’ils se passent mal, cela altère sensiblement le bien-être mais s’ils se passent bien, cela l’améliore beaucoup [3].

Soignez vos habilités sociales. Bon ok, vous n’êtes pas dans une forme olympique, mais si vous ne parlez que de ça, cela va finir par casser les pieds de tout le monde. Aussi :

- maintenez des intérêts pour d’autres choses pour ne pas toujours ramener la conversation à vous et à vos problèmes. L’actualité est un merveilleux sujet bateau utilisable sans modération pour enchaîner des conversations socialement satisfaisantes.

- évoquez vos souffrances en termes précis et non généraux. Il y a une énorme différence entre dire “hier j’étais vraiment fatigué alors j’ai préféré ne pas sortir” et “hier j’étais hyper mal”. La seconde formulation gonfle artificiellement votre sentiment négatif.

- si vous parlez de vous, parlez plutôt de ce que vous ressentez et ne vous plaignez pas trop. On évoque plus facilement la compassion en disant “quand j’ai entendu mon patron, je me suis senti vraiment blessé” que “mon patron est un vrai connard”. En plus, cela vous évite de peindre votre environnement quotidien comme étant une somme de problèmes incontrôlables vous tombant sempiternellement sur le dos.

- ne vous dévalorisez pas, et ne vous présentez pas comme dépressif. C’est terriblement destructeur de votre estime de vous-même et de la qualité de la relation à autrui. Franchement, si quelqu’un passe son temps à vous dire “je ne suis qu’un nul”, sauterez-vous de joie la prochaine fois que vous verrez son nom s’afficher sur votre téléphone ?

-ne prenez pas tout pour vous. En effet, si l’échange avec autrui est ambigu, le dépressif tend à le considérer de facto négatif et à croire que c’est sa faute et agissent ensuite selon cette idée fausse[4]. On rejette ainsi son collègue de bureau qui vous fait vous sentir si nul alors qu’en fait il vous a répondu un peu vite car il est débordé de travail.



ERREUR N°2 : ENCLENCHER LE CERCLE DE L’ABSENCE DE PLAISIR

La difficulté ou incapacité à ressentir des émotions positives a un joli nom en psychiatrie, on appelle ça l’anhédonie. Et c’est une sacrée vacherie. Quand la vie ne procure plus aucun plaisir, comment voulez-vous y éprouver le moindre intérêt ?Tout devient une succession de corvées sans fin, et on finit par ne plus avoir envie de faire quoi que ce soit, y compris ce qui aurait pu provoquer du plaisir. Donc la dépression incite à réduire le nombre d’activités agréables, ce qui renforce la dépression, et qui incite encore à réduire le nombre d’activités plaisantes…

Heureusement rompre ce cercle vicieux est plus facile que le précédent. En effet, on ne contrôle pas totalement une situation sociale mais par contre vous pouvez toujours choisir de faire une activité plaisante.


Comment agir ?

Ne limitez pas vos activités plaisantes et au contraire, lancez-vous dans de nouvelles, bien ciblées. Il faut augmenter la sensation de contrôle de vous avez quant au plaisir que vous pouvez éprouver [6]. Ces activités doivent être facilement accessible et que vous ne les envisagiez pas trop coûteuses en énergie. Pas besoin de trouver quelque chose de trop compliqué, même traverser le parc à côté de chez vous en revenant du bureau est bon à prendre. Tout ce qui compte est de le faire pour goûter au plaisir que vous pouvez ressentir. Si cela vous aide, évaluez la fatigue et le plaisir de l’activité de manière anticipée, puis après l’activité et observez la différence.


ERREUR N°3 : RUMINER SON PASSÉ DE MANIÈRE STÉRILE


Il est très frappant de constater à quel point le dépressif est souvent englué dans une recherche des causes de son mal-être, situées dans le passé. Ce regard vers hier plutôt que vers demain est d’ailleurs ce qui le distingue le mieux d’une personne souffrant plutôt d’anxiété [5]. Qu’est-ce qui provoque cette tendance à la rumination passéiste ? Tout d’abord il y a le présupposé, largement influencé par la représentation commune de la psychothérapie, que la cause est un événement dans le passé, voire dans le passé lointain. On peut y adjoindre l’idée issue, de la psychanalyse freudienne, que retrouver la cause perdue fait cesser le symptôme.

Donc chercher la cause procède en premier lieu d’une démarche auto-thérapeutique parfaitement respectable dans son objet. Mais cela amène à deux conséquences fâcheuses:

- tant que l’on n’a pas trouvé la “cause qui débloque les choses”, rien ne bouge jamais

- on n’agit pas sur ce qui entretient la dépression dans le présent.
Or, si tant est que l’on puisse un jour identifier effectivement une cause passée et unique (rien n’est moins sûr), la dépression a eu tout son temps pour détruire allègrement votre vie. Cela fait une belle jambe de pouvoir se dire que l’on n’est plus dépressif quand suite à des années de déprime à la recherche de la cause, on a perdu son conjoint, ses enfants, son travail, ses amis, son logement, etc…

Une autre raison qui entraîne des ruminations centrées sur le passé est un attachement affectif à celui-ci, précisément parce que l’on a souffert. Quand on déprime, on est très avide que les gens reconnaissent cette souffrance qui est la notre. Qu’ils éprouvent de la compassion pour notre enfance malheureuse, le décès de notre parent, la maladie, les épreuves, la trahison, les pleurs, l’isolement, la douleur. Bref, que l’on nous dise : “ben oui, mon pauvre, tu as vraiment énormément souffert dans ta vie, pourtant tu es une personne bien, c’est vraiment trop injuste”. C’est le célèbre syndrome Calimero.

Et c’est vrai que c’est injuste, incontestablement !
Par contre, ruminer le passé ne servira pas vos intérêts. Cela repousse les autres (qui ont déjà assez avec leurs propres problèmes) et cela vous centre sur le passé alors que celui-ci est par nature impossible à modifier.


Comment agir ?

Si vous voulez chercher une cause, cherchez ce qui au quotidien entretient la dépression pour agir dessus. Toutes mes félicitations, c’est ce que vous êtes en train de faire en lisant ces lignes.

Ne surestimez pas l’intérêt de votre passé empli de malheurs pour autrui. Si le besoin de conter celui-ci est très ancré en vous, allez plutôt voir un professionnel.

Ne croyez pas que votre passé détermine votre avenir. Cette croyance vous incite à agir dans ce sens. Par exemple si vous avez souvent été mal à l’aise en société, cela ne signifie absolument pas que cela sera toujours le cas. Mais plus vous le pensez “je serai toujours mal à l’aise en société”, moins vous aurez tendance à faire d’efforts pour vous sentir à l’aise. Et donc, forcément, vous resterez sur une impression que c’est “toujours comme ça”. Ce n’est donc pas votre passé qui détermine votre avenir, mais la croyance que vous avez que ce passé détermine votre avenir. Aussi, mettez vos croyances limitantes à l’épreuve. Vous pensez que ce sera toujours comme ça ? Agissez comme si ce n’était pas le cas, et voyez ce qu’il se passe.


ERREUR N°4 : REFUSER DE CONSULTER SON MÉDECIN TRAITANT


Grand classique de la dépression et erreur connue comme le loup blanc par les professionnels. Déprimer c’est être faible, on n’en sort jamais, et si on commence à prendre des anti-dépresseurs on devient un vrai légume, on ne parviendra jamais à s’arrêter et il y a d’affreux effets secondaires qui transforment en monstre poilu à deux têtes et à pieds palmés. Ces fausses croyances entravent la démarche anodine du rendez-vous avec le médecin traitant, laquelle est pourtant le fondamental de la prise en charge bien ordonnée.
Ainsi, alors que une femme sur cinq et un homme sur dix risque de faire une dépression au cours de sa vie [7], près d’un tiers des patients ne sont pas pris en charge.

N’oubliez pas : votre médecin voit beaucoup de personnes déprimées. Il voit même beaucoup de personnes déprimées qui l’ignorent et beaucoup de personnes non déprimées mais qui croient l’être. En outre ce n’est pas parce que vous consultez pour un coup de déprime que vous ressortirez avec une ordonnance d’anti-dépresseurs. Et si c’est le cas, posez des questions à votre médecin, quitte à les préparer à l’avance. Les anti-dépresseurs sont très souvent diabolisés. Aussi est-il important d’avoir des informations fiables à ce sujet.
Enfin votre médecin pourra le cas échéant vous orienter vers une prise en charge psychothérapique bien adaptée à votre situation


Comment agir ?

N’hésitez pas à consulter : c’est mettre toutes les chances de votre côté et cela ne vous engage à rien.

Sur toute question diagnostique ou médicamenteuse, évitez absolument les forums de type doctissimo.


ERREUR N°5 : NÉGLIGER SON HYGIÈNE DE VIE

Il est assez illusoire qu’une bonne hygiène de vie permette à elle seule de sortir d’une dépression. Mais à l’inverse une mauvaise hygiène de vie rend clairement les choses plus difficiles en accentuant l’impression de fatigue et de ralentissement. Pas facile en effet pour une personne sédentaire ayant fait un repas lourd la veille et ayant un penchant pour la bouteille de se réveiller le matin frais et plein d’entrain. Vous allez me dire que l’on peut très bien se réveiller un peu lourd sans être déprimé pour autant, et c’est très vrai. Seulement quand on vit depuis quelque temps avec une petite déprime, on a vite tendance à associer a priori ce type d’expérience corporelle avec un moral dans les chaussettes. Même quand ce n’est pas justifié par un sentiment réel d’être déprimé, sentir son corps “comme quand on est déprimé” fait naître cette impression de façon automatique. Et ainsi on ne se réveille plus “fatigué” mais “déprimé”.

En conséquence il est important de limiter de nombre de situations où on ressent son corps “comme déprimé” et d’augmenter celles où l’on ressent au contraire son corps comme “non déprimé et plein d’entrain”. Ces deux approches passent par une attention particulière accordée à son hygiène de vie.


Comment agir ?

Si vous avez tendance à consommer de grandes quantités d’alcool, passer par la case alcoologue est indispensable

Mangez équilibré, mais ne vous imposez pas de régime drastique. Sachez apprécier le plaisir de la nourriture en la consommant plus lentement.

Ne négligez pas le sport, ou de simples promenades, en privilégiant les situations sociales.


ERREUR N°6 : ETRE INTRAITABLE AVEC SOI-MÊME

Etre envahi de pensées automatiques dévalorisantes et décourageantes fait partie de l’expérience de la dépression. “Je suis nul”, “je n’y arrive jamais”, “je manque de volonté”, “je suis faible”, etc… surviennent à longueur de temps et entretiennent le sentiment dépressif.
Il est donc important que lutter contre la dépression avec des armes qui ne vous reviennent pas en pleine figure. S’il est normal de vouloir se débarrasser au plus vite de ce sentiment très désagréable, avoir des attentes exagérées joue le jeu de la pathologie.

Lutter contre une dépression prend du temps et cela doit se faire calmement.D’autant plus que les rechutes sont très fréquentes. Il est donc important de procéder sur des bases solides et de se doter d’outils thérapeutiques fiables tant sur le court terme que le long terme. Etre impatient, ou se dévaloriser parce que les résultats obtenus ne sont pas conformes à ses attentes est totalement contre-productif. La dépression est une maladie et en sortir n’est pas une question de volonté.


Comment agir ?

Donnez-vous le temps. Quand on reprend la main face à la déprime, beaucoup de cercles vertueux se mettent progressivement en place. faites ce que vous avez à faire, et pour le reste, faites-vous confiance.
Prenez soin de vous. N’ayez pas l’impression d’être votre propre ennemi dans cette épreuve. La dépression provoque parfois une culpabilité agressive qui incite à être très rude avec soi-même. Votre situation est déjà assez difficile sans en plus en rajouter de manière non justifiée.
Ne limitez pas votre vie à la lutte contre la dépression. Certes, cette déprime est une pièce envahissante de votre quotidien, mais ce n’est pas la seule. Sachez la garder à sa place sans qu’elle ne soit présente dans tous vos faits et gestes ou objectifs.




[1] Patten, S. B., Williams, J. V. A., Lavorato, D. H., & Bulloch, A. G. M. (2010). Reciprocal Effects of Social Support in Major Depression Epidemiology. Clinical Practice & Epidemiology in Mental Health, 6, 126-131.

[2] Leary, M. R. (1990). Responses to social exclusion: social anxiety, jealousy, loneliness, depression, and low selfesteem. Journal of Social and Clinical Psychology, 9, 221-229.
[3] Steger, M. F., & Kashdan, T. B. (2009). Depression and Everyday Social Activity, Belonging, and Well- Being. Journal of Conseling Psychology, 56(2), 289-300.
[4] Beck, A. T., Rush, A. J., Shaw, B. F., & Emery, G. (1979). Cognitive therapy of depression. New York: The Guilford Press.
[5] Himmelhoch, J., Levine, J., & Gershon, S. (2001). Historical overview of the relationship between anxiety disorders and affective disorders. Depression and Anxiety, 14(2), 53-66.
[6] Lewinsohn, P. M., Hoberman, H. M., & Teri, L. (1985). An integrative theory of depression. Theoretical issues in behavior therapy. New York: Academic Press.
[7] Lepine, J. P., Gastpar, M., Mendlewicz, J., & Tylee, A. (1997). Depression in the community: the first pan-European study DEPRES (Depression Research in European Society). International Clinical Psychopharmacology, 12(1), 19-29. 

lundi 10 mars 2014

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